(Jeanne CARDONNE-GACHET nous rappelle l’engagement volontaire, pendant la seconde Guerre mondiale, d’une de ses camarades du Lycée, Pierrette LOUIN, - engagement qu’elle accomplit jusqu’au sacrifice suprême - et nous demande de reproduire le texte du bulletin de l’Amicale des Anciens Membres des Services Spéciaux de la Défense Nationale (n° 143 - du 3ème Trimestre 1989), relatant la Mort héroïque de cette Lycéenne, afin que son souvenir demeure auprès des Jeunes.)
En souvenir d’Eugénie DJENDI (19 ans), Pierrette LOUIN (22 ans), Suzanne MERTZISSEN (23 ans), Marie-Louise CLOAREC (27 ans), sauvagement assassinées à RAVENSBRUCK, le 18 janvier 1945.
Combien de fois avons-nous évoqué les mérites de nos compagnes dans les combats pour la Libération ?
Combien de fois avons-nous déploré la scandaleuse disproportion entre les services qu’elles rendirent et les témoignages de reconnaissance si parcimonieusement décernés ?
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Femmes au foyer, fidèles, attentives, toujours disponibles en dépit des tourments, des privations, des menaces ...
Femmes complices, discrètes dans l’accomplissement des tâches les plus humbles, les plus risquées ...
Femmes engagées, habiles et généreuses jusque dans le sacrifice.
C’est en hommage à elles toutes que j’ai extrait de mes archives ce document hallucinant qui relate la mort pour la France de quatre jeunes filles. Elles étaient volontaires pour assurer les liaisons radios de nos réseaux de Contre-Espionnage.
Recrutées et formées à ALGER, à la fin de 1943, parachutées en différents points de la zone occupée, après un stage en Angleterre, elles ont vu, l’une après l’autre, en avril 1944, s’évanouir leurs rêves de servir jusqu’à la Victoire.
Arrêtées, déportées, un sort injuste et cruelles a unies dans la mort à Ravensbruck. Pitoyables victimes d’une répression d’autant plus féroce qu’elle visait nos réseaux.
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Témoignage de Rosane : professeur de Cours Complémentaire, déportée a Ravensbruck et libérée à Bergen-Belsen .
... Le 18 janvier 1945, le bloc français prend le deuil. Dès l’appel du matin, Pierrette LOUIN et Marie-Louise CLOAREC, nos petites parachutistes, ainsi que Suzy et Jenny leurs compagnes radio, officiers de liaison en mission non loin de Paris, arrêtées et incarcérées à Fresnes, puis déportées en Allemagne, sont averties, suivant la formule d’usage, qu’elles doivent se tenir à la disposition du Commandant avec interdiction formelle de sortir du bloc jusqu’à l’heure fixée - seize heures et demie.
Peu d’entre nous savent la nouvelle, l’on n’ose pas envisager le drame, il est prudent de se taire pour les petites et pour nous-mêmes. J’ai passé la journée avec elles. Pierrette et Marie-Louise sont des enfants. Pierrette, a vingt-deux ans, reçut ses galons à ALGER, elle aime l’Afrique où elle a préparé le débarquement américain. Marie-Louise est une vaillante bretonne de vingt-quatre ans, elle fait la guerre, et Suzy, de Metz, est maman d’une fillette de six ans. Jenny adore le risque. Toutes quatre tombent aux mains des Allemands en avril 1944, seront-elles traitées en soldats ?
Le coup fatal éclate, quelle stupeur s’empare de nous, des mieux prévenues ! Le soir nous attendons leur retour au bloc, sans espoir. Marie-Louise a imaginé mille conjectures, pleine d’illusions encore, elle a emporté plusieurs adresses. Pierrette n’a dit mot, elle pensait. Cependant, elles ont été fusillées. La nuit survient, le bloc ferme, les petites ne coucheront pas là. Le lendemain nous faisons d’adroites recherches. Sur un registre figure à côté des quatre matricules la mention vague et classique : transport sans destination. C’est étrange. Entre ses dents, une femme murmure : C’est ainsi que l’on indique les fusillées. Plus tard, nos amies tchèques parviennent à retrouver les vêtements et les matricules renvoyés à l’étuve. Notre enquête se poursuit. A six heures, elles ont quitté le Bunker, on les vit passer. une colonne du dehors a vu la route barrée à un certain endroit, et dans le bois, près d’un hangar, des S.S. s’agitent. On a même perçu des coups de feu. Un camion s’est dirigé vers le crématorium, à moins que ce soit vers le charnier de la forêt...
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Dans le Bulletin de l’association des Anciennes du Lycée Stéphane Gsell, de 1955-1956, j’avais remarqué qu’il existait une FONDATION Pierrette LOUIN et je me permets de retranscrire la page 21 de ce Bulletin.
"Durant l’été 1953, nous avons appris la mort d’une de nos anciennes compagnes, Pierrette LOUIN, S/Lt. des Réseaux clandestins parachutée en France occupée et arrêtée par la Gestapo à Paris en 1944.
Toutes les déclarations de ses chefs et de ses camarades de combat étaient unanimes à proclamer leur admiration pour son cran dans les missions périlleuses, son moral élevé, son énergie indomptable.
Ses mérites militaires lui avaient valu :
La Croix de Guerre avec étoile de vermeil ;
La Médaille de la Résistance ;
Un certificat of service Field Marechal Montgomery Commander in chef 21 St Army Group.
Longtemps tous avaient espéré voir revenir un jour l’enfant héroïque qui avait fait le sacrifice de sa vie pour son pays.
Mais il faut se résoudre à la terrible certitude.
Déportée au camp de Ravensbruck, elle avait été exécutée par les Allemands le 18 janvier 1945 - et le 19 mai 1953, le Tribunal Civil d’ORAN rendait un jugement authentifiant son décès.
Pierrette LOUIN, au moment de son départ d’ALGERIE pour l’Angleterre où elle allait terminer son instruction militaire spéciale, avait à son compte chèque postal d’Alger une somme de 91 034 francs. Selon le désir exprimé par leur fille, en mai 1954, son père et sa mère ont fait don de cette somme à l’Association des Anciennes Elèves à charge par nous de FONDER un PRIX qui serait distribué, chaque année, au nom de leur chère enfant et destiné à maintenir vivant dans l’esprit des générations à venir l’exemple d’un sacrifice sublime à une noble cause.
Ce PRIX a été attribué en 1954 : à Mlle Paule CHOTIN. en 1955 : à Mlle Christiane LABESCAT. en 1956 : à Michèle LORCA. en 1959 : à Jeanne ADIDA.
Une plaque apposée sur les murs du Lycée en Février 1955, par les soins de l’Association, évoque pour ses anciennes et dira aux générations futures son courage et son patriotisme".
A l’époque où il était Maire de Toulouse, Dominique Baudis donna le nom de "Pierrette Louin" à l’une des rues de sa ville (cf. documents ci-dessous)
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