Madame ASSEMAT

Surveillante Générale du Lycée de 1893 à 1933
mercredi 20 mars 2019

(Merci à sa fille, Marguerite ASSEMAT-SAINT-JEAN, qui a eu la gentillesse de nous prêter ce document)

ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MADEMOISELLE S. DUVERGER, AGRÉGÉE D’HISTOIRE, DIRECTRICE DU LYCÉE DE JEUNES FILLES, LE 12 NOVEMBRE 1937


Au nom des Elèves, des anciennes élèves et des fonctionnaires du Lycée de Jeunes filles, je dirai un dernier adieu à Madame ASSÉMAT.

Y a-t-il beaucoup d’exemples d’une vie à la fois plus unie, plus belle, plus entièrement remplie dans sa sobre simplicité ? 40 ans, Madame ASSÉMAT a été fonctionnaire au Collège, puis au Lycée de Jeunes Filles.
C’est le 3 janvier 1893 qu’on voit apparaître pour la première fois le nom de Melle Marie-Jeanne PELLARET sur les contrôles du Collège. Pourvue du Brevet Supérieur et du Diplôme de Fin d’Etudes secondaires, elle occupait la modeste place de Maîtresse d’Internat.
En 1902, elle devenait répétitrice et, dès mars 1904, ses sûres qualités d’esprit et de caractère la faisaient désigner comme Surveillante générale, - poste qu’elle a occupé sans interruption au Collège devenu Lycée en 1909 jusqu’au 30 septembre 1933 -, date où un bref papier administratif nous apprend qu’elle est devenue Surveillante générale Honoraire.

Ces quelques dates marquent les étapes de toute une vie - harmonieuse et pleine -. Durant ces 40 années, le Collège, puis le Lycée, n’auraient pas été sans vous vous, Chère Madame ASSÉMAT, ce qu’ils furent. Toutes, nous avons le vif souvenir de votre voix, de votre visage bienveillant, de votre activité, de votre labeur ingrat et si nécessaire dans l’étroit bureau où s’est écoulée votre vie.

C’est un rôle particulièrement ingrat, en effet, que celui de la Surveillante Générale ; n’est-elle pas celle qui doit faire observer la discipline, régler les menus détails, arbitrer les menus conflits, adoucir les frictions quotidiennes ? Il serait facile, dans cette tâche, d’attirer le mécontentement, la colère, voire l’antipathie, surtout chez les enfants à qui la vie n’a pas encore appris l’indulgence et dont les sentiments sont très entiers. Mais j’en appelle à toutes celles qui, jeunes ou moins jeunes, vous ont connu hier, naguère ou jadis : la sérénité de votre visage, le mot gentil et apaisant que vous saviez trouver, la bienveillance, la bonté profondes qui émanaient de vous n’attiraient, ne voulaient, ne connaissaient que la sympathie. Parmi tant d’anciennes élèves, qui pensent avec émotion à leur lycée, qu’elles soient à ORAN, dans le bled oranais ou plus loin encore, lorsqu’elles se remémorent leur vieille maison – pour elles, j’en sûre, cette maison, c’est avant tout Madame ASSÉMAT et sa ferme douceur. Les grands-mères, les mères et leurs filles vous ont successivement commue sous des aspects divers, mais toujours comme une femme pacifique et bienveillante.

Et sans doute, le secret de cette sérénité qui émanait de vous, c’est que la vie vous a comblée, d’abord par une union heureuse à laquelle une mort brutale et inattendue n’a mis fin que récemment. Elle a comblé plus encore si possible votre amour de mère, votre joie, votre orgueil de mère. Deux fils brillamment doués qui ont brillamment réussi et sont appelés aux plus hauts destins, une jeune fille accomplie, très douée, charmante, distinguée, cultivée, aujourd’hui maman de deux bébés, telles sont les couronnes que la vie vous avait tressées.

Si vos dernières années ont été assombries par un deuil cruel et par d’inévitables séparations, si le destin – notre destin à tous – n’a pas voulu vous laisser jouir assez longtemps du repos : 4 ans de repos pour 40 années de labeur !... – du moins, l’ensemble de votre vie est harmonieux et comblé des dons du sort.

Puisse cette terre oranaise que vous avez si longtemps, si allègrement foulée, être légère à votre dernier sommeil ! Soyez sûre que le souvenir de tous ceux, de toutes celles qui vous ont connue visitera souvent ce coin d’Oran où repose une femme de Bien.


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